« Pour moi, c’était Marcel Cerdan et le Racing, point ! »

« Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous » disait Paul Eluard. Pourtant, c’est tout de même un peu le hasard qui nous a conduit, en novembre dernier, à ce rendez-vous avec Francis, 86 ans, dans sa petite maison de Sully dans le Centre-Val de Loire. C’est entouré de ses petits enfants, que cet ancien footballeur amateur, a accepté d’évoquer avec nous sa jeunesse marquée par le sport en général, le football en particulier mais surtout le Racing, le club qu’il supportait avec ferveur durant sa jeunesse. À l’occasion de cette journée de célébration des 139 ans du Racing Club de France, nous vous proposons de vous plonger, dans les souvenirs d’une autre époque, d’un autre football, d’un autre Racing …

 

« C’est loin tout ça, c’est loin », voilà ce que nous réponds Francis quand on évoque avec lui le Racing et la période où, enfant, il a commencé à se passionner pour l’équipe ciel et blanche.  « Je devais avoir 14 ou 15 ans à peine, oui, je dirais 1949. » Cette année là, la RFA et la RDA s’apprêtait à voir le jour et à séparer l’Allemagne pour cinquante ans. Dans l’Hexagone, Vincent Auriol est au pouvoir et les français se préparent à regarder le premier journal télévisé de l’histoire du pays sur l’unique chaine publique de l’époque la RTF. Depuis, plus de soixante-dix ans se sont écoulés, il est donc logique que certains détails échappent aujourd’hui à notre octogénaire, comme par exemple la raison précise qui a poussé un jeune homme qui habitait déjà le Loiret, à suivre et soutenir une équipe parisienne.  « Je ne sais pas pourquoi le RCP parce que j’étais déjà un gamin de Sully » s’étonne lui-même l’intéressé. « Je n’étais jamais monté à Paris et Il y avait d’autres bons clubs à ce moment-là comme l’Olympique de Marseille ou Lille qui avait au milieu de terrain Jean Baratte et dans les buts César Ruminski. »  Pourtant en écoutant attentivement notre interlocuteur parler du football de l’après-guerre, nous comprenons le statut particulier du Racing dans le paysage du football français. « C’était vraiment une belle équipe, le club de la capitale et je te parle de ça, c’était bien avant le PSG, c’était même avant la période du grand Reims, alors tu vois … ».

L'équipe du Racing en 1949, vainqueur de la Coupe de France
L’équipe du Racing, victorieuse de la cinquième et dernière Coupe de France de l’histoire du club, en 1949.

 

Au fil de la conversation, certains souvenirs refont peu à peu surface et nous plongent dans l’atmosphère d’une époque où le sport se vivait, bien entendu, d’une manière bien différente.

« La plupart du temps on écoutait les matchs à la radio. Je me rappelle qu’à la maison nous avions un petit poste posé sur le rebord de la cheminée. Il ne fallait pas mettre le son trop fort pour ne pas gêner mes grands-mères qui vivaient avec nous et qui tricotaient l’après midi dans le salon. Je m’asseyais sur un petit tabouret pour pouvoir approcher mon oreille du poste et entendre mieux (…) En ce temps-là, on suivait tout à la radio, le Tour de France, le Football, la boxe. » Parce qu’en plus de s’intéresser au football, le garçon se passionnait également pour le noble art. « Pour moi, c’était Marcel Cerdan et le Racing, point ! » Les choses sont dites.

Les quelques heures passées au cinéma constituées alors les seuls moments où les passionnés de football pouvaient furtivement voir évoluer les stars du ballon rond. « L’endroit où on voyait réellement les joueurs, c’était quand on avait la chance d’aller au cinéma. On avait les résultats et on voyait des bouts de matchs au moment des actualités, sinon on ne connaissait pas vraiment leurs têtes » nous explique Francis non sans un sourire.  Des moments d’émerveillement et d’émotion qui deviennent encore plus palpables dans son récit, au moment d’évoquer certains joueurs. Tout particulièrement Larbi Benbarek, attaquant né à Casablanca au Maroc et qui connaitra la plus longue carrière internationale de l’histoire de l’Équipe de France (1938-1955). « Lui, quand je le voyais jouer au cinéma, ses dribles ses passes et sa rapidité, il m’impressionnait vraiment.  Pourtant, il n’était pas au Racing, il était chez les rivaux du Stade Français à ce moment-là. »

Abdelkader Larbi Ben M’barek, 17 sélections en équipe de France

 

Pour ce qui est des Racingmen, le favori reste encore tout désigné « Au Racing, j’aimais beaucoup René Vignal, le gardien de but. Je me souviens que les anglais, qui ont toujours été nos grands rivaux, l’avaient appelé « le gardien volant ». Il faut dire qu’il allait chercher des balles dans des angles de poteaux, c’était incroyable. »

René Vignal, dernier rempart des Ciel et Blanc pendant 7 ans

 

Aujourd’hui, Francis ne vit plus le football de la même manière, « je regarde toujours les matchs, je reconnais certains joueurs mais ce n’est plus comme avant (…) Je me souviens qu’à l’époque je connaissais tous les noms des joueurs du Racing. (…) Si je retrouvais mes « Miroir Sprint » ou les « l’Equipe » que j’achetais avec mon propre argent, je me rappellerais un petit peu mieux de certains ».

Même si des détails se perdent encore, Francis nous a permis d’ouvrir avec lui cette petite parenthèse en forme d’histoire de vie. Au moment où le football moderne est en pleine transformation, où les résultats comptables, qu’il soit sportif ou financiers priment sur tous les autres aspects de notre sport, il est essentiel de rappeler que la grandeur d’un club ne réside pas forcément dans la possession de moyens, d’infrastructures particulières ou même de l’accumulation de trophées. Elle s’exprime à travers le temps, l’histoire et les moments vécus et partagées autour de l’attachement à des couleurs, ainsi que des joies et des peines qui en découlent.

Plusieurs décennies séparent Francis de la plupart de nos supporteurs actuels et encore plus de nos jeunes licenciés. Pourtant, nous n’en demeurons pas moins tous ciel et blanc, à notre manière certes, mais rassemblés autour des valeurs et de la symbolique que représente le Racing. À l’heure de célébrer les 139 ans de la naissance de nos couleurs, ce qu’il nous offre aujourd’hui doit nous faire réfléchir mais aussi nous remplir de fierté sur ce que signifie être Racingman.

Le football tire son essence de son caractère social, et nous croyons que c’est dans cette valeur particulière que réside la dimension institutionnelle d’un club. C’est ce qui fait notre force, notre particularité. C’est ce sentiment d’appartenance que nous devons préserver, car c’est ce qui nous rassemble et nous rapproche malgré nos différences. Allez Racing !

Article rédigé par Baptiste Boulfort.